Contexte :

Crise du COVID, le 16 mars, l’ensemble de la France est confinée pour éviter la propagation du virus. Le centre social et donc le FabLab ferment du jour au lendemain. Le 14 mars, le dernier repair café avait été annulé, mais quelques personnes sont quand même venues en respectant un maximum de distanciation et de gestes barrière.

1/ La Sidération : La première semaine, peu d’échanges avec les bénévoles et les usagers, nous étions dans une forme de sidération ; mais déjà des personnes nous contactent pour savoir ce que les habitants et le fablab peuvent faire, dès le départ on sent que la  pénurie de masques et autres protections individuelles allait se produire. Mais que faire ???

2/ Le moment des ingénieux : Le 18 mars, des articles sur des solutions de masques en impression 3d, tutos de tissus arrivent,  nous sommes sollicités par des usagers pour accompagner des initiatives, donner notre avis,  coordonner une fabrication locale. Nous demandons un peu de temps pour avoir des retours d’usages, des retours des autorités sanitaires. Des masques imprimés en 3D tels que celui-ci commencent à apparaître, nous apprendrons par la suite que ce sont des nids à microbes s’ils sont imprimés en couche par couche (stries difficiles à nettoyer)

3/ Prendre le temps, avoir du recul : les polémiques arrivent sur des masques en tissu DIY « faussement rassurant » ( https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/coronavirus-fausse-bonne-idee-masques-tissu-systeme-1802328.html ), mais en même temps la pénurie est là, que faire ? Le 25 mars nous découvrons un article publié par Joseph Prusa, une icone du mouvement Maker (lien vers l’article) Des visières, assez low tech, simples et rapides à produire, avec une feuille plastique empêchant clairement les postillons de passer.  Mais lui aussi insiste sur le fait que les makers doivent être très vigilants et il appelle à leur responsabilité : « une protection inefficace est plus dangereuse qu’une absence de protection car elle donne une impression de fausse sécurité ». Prusa Research a donc fait valider son design par le ministère de la santé tchèque, une bonne chose, par contre  sans certification.

Ce système est plébiscité par de nombreux Fablab qui se mettent en réseau et proposent une marche à suivre pour la fabrication : http://www.fablab.fr/coronavirus/prototypage-et-projets/article/2-visieres-de-protection-coronavirus

 

Mise en production des usagers :

Joël, Emmanuel et Michel, usagers réguliers du FabLab, mais habitants d’Angers ont commencé à produire des visières pour les structures proches de chez eux. En local, ils ont distribué plusieurs centaines de visières, plusieurs autres habitués du fablab ont fait la même chose, en parallèle, en gardant le lien et en se partageant les bonnes sources, les bons filons. Le rôle du FabLAb était juste de garder le lien entre nos différents usagers Makers qui donnaient de leur temps pour produire et distribuer ces visières.

Mise en place de la fabrication de visières dans le Chemillois :

À la suite d’inscriptions sur la page facebook Maine et Loire de visieresolidaires.org  : https://www.facebook.com/groups/259919461697010/ , nous nous sommes rendus compte que nous étions plusieurs sur le territoire du chemillois à fabriquer des visières, et Cédric, usager du FabLab était bien avancé. J’ai donc repris contact avec Jacky qui avait indiqué qu’il était prêt à aider si besoin. A tout les trois, nous avons réfléchi à la mise en place d’une mini filière sur le territoire :

– Récupération des commandes : Le FabLAb, le centre social, plus tous ceux qui participent à la fabrication, un mail est envoyé avec le nombre de visières et l’organisme

– Fabrication des serre-têtes en impression 3D : Cédric, Yvan, plus d’autres personnes ayant des imprimantes (viendront ensuite Charles-Olivier et le Lycée de l’Hyrôme), on donne ensuite les serre-têtes à Jacky pour la suite

– Assemblage des visières : Jacky et un ami à lui (Philippe viendra ensuite aider pour l’assemblage lors des gros rush)

– Dépôt des visières par Jacky dans une pharmacie du Territoire avec la fiche technique  du site visière solidaire (Pourquoi la pharmacie : Point de dépôt et de distribution ouvert pendant la crise et ayant connaissance des limites des visières et de leur utilité sanitaire)

Une fois cette démarche établie, nous avons été voir deux pharmacies et la pharmacie Nicoleau-Dilé de Chemillé a accepté, après nous avoir rencontrés, de servir de point de dépôt et de distribution !

L’idée du projet était faire une fabrication et distribution selon les compétences, matériels et temps à disposition des uns et des autres, et d’éviter de centraliser au FabLab. D’ailleurs la semaine où le Fabmanager était en vacances a été la semaine où il y a eu le plus de fabrication/distribution/communication, le groupe de fabrication est autonome.

L’activation des réseaux locaux :

Plusieurs commandes des EHPAD, ADMR, ASMD, écoles, Centre social, Magasins alimentaires sont rapidement arrivées. Il fallait maintenant fabriquer ! La matière première pour l’impression 3D, nous en avions déjà un peu en stock, même pas mal ! Mais pour les autres matières premières, il a fallu activer les réseaux locaux et les interconnaissances :

– Les feuilles de rhodoide : Cédric a fait un appel aux professeurs de l’école de son enfant, nous en avons récupéré plus de mille ! Le message est passé d’école en école et la solidarité a joué à plein ! Par la suite, d’autres dons de particuliers et un gros don de 600 feuilles de la part de Bureau Vallée de Chemillé sont arrivés, merci à tous !

– Les élastiques : Nous avons eu plusieurs dons, aussi via les écoles, mais très vite nous étions à court et cela coûte cher ! Nous en avons acheté dans une boutique BOUBOU, proche de chez nous qui pratique le destockage d’usine… très pratique, mais il faut connaître ! Les réseaux sont encore très utiles ici.

– Nous sommes assez rapidement arrivés à la fin des bobines pour l’impression 3D , nous avons pu en racheter, et dédier un peu de temps de travail sur le projet grâce à un mécénat de la fondation VINCI. Ce don nous a permis aussi de racheter des élastiques pour les visières et la fabrication de masques en tissu par et pour les habitants.

– Via le groupe visières 3D, des bobines nous ont été aussi fournies gracieusement par d’autres MAKERS de l’Anjou, suite à des dons qu’ils avaient eu, merci à eux !

Le plus de la visière locale : La Bande d’EVA : Un usager Makers du Fablab (qualiticien dans son entreprise) nous a donné l’idée de rajouter une bande d’EVA (CAOUTCHOUC naturel) pour que ces visières soient plus confortables à porter toute la journée, ne pas avoir de grosses marques dues au plastique sur le front ! Banco, son entreprise nous a remis plusieurs matières, nous en avons choisi une pour sa souplesse et la facilité de découpe. 

La production et le retour sur ce projet : 

Plus que la production de visière, la mise en place de ce projet a permis de mettre en avant la qualité des réseaux du territoire, des liens tissés entres structures et habitants pour répondre à des problématiques communes. La visière est un commun qui a été imaginé en république Tchèque, repris, modifié partout dans le monde, a permis de créer des communautés pour l’entretenir, l’améliorer (nous en sommes actuellement à la Version 22 de visière solidaire), poser des questions légales, hygiénistes, etc.

Ce commun a été approprié et adapté avec les acteurs locaux pour permettre au plus grand nombre d’en bénéficier. Les bénévoles, entreprises, institutions, lycées, écoles, associations, ont participé à la mise en place d’un réseau. Malgré la distanciation physique, une vraie proximité sociale s’est créée entre les bénévoles, pour répondre aux attentes.

Partout en France, ces visières ont été créées, nous n’en avons pas créé plus ici qu’ailleurs à Beaupréau, à Ancenis ou à Cholet par exemple, mais nous avons à notre échelle participé à cet effort collectif.

Mais ce mode de production distribuée a ses limites, nous ne sommes pas une industrie, nous n’avons pas vocation, comme pour les masques à fabriquer pour tous, nous avons fabriqué en attendant qu’une solution plus structurée apparaisse, dans l’urgence du moment. Si celle-ci arrive, nous lui laisserons la place.

Actuellement 300 visières assemblées et livrées sur le territoire, plus de 200 en cours de livraison. 

[edit au 11 mai] : Actuellement 523 visières assemblées et distribuées, 70 en cours de fabrication et/ou de livraison.

La suite

Pour notre Fablab le Boc@l, les prochaines semaines vont nous demander de nous réinterroger une nouvelle fois sur la place de notre lieu sur le territoire. Le souhait d’avoir un lieu où émergent des projets favorisant les Communs  que notre lieu soit lui-même un Commun gouverné, entretenu et pérennisé grâce aux acteurs locaux. Mais aussi les liens qui ont énoué avec les organismes du Handicap et de la Santé nous ouvre de nouveaux partenariats locaux …. à suivre !