J’ai une formation linguistique et commerciale, j’ai travaillé dans l’import-export en France et à l’étranger. Depuis mon enfance, j’aime les savoir-faire artisanaux et j’ai toujours pratiqué des activités manuelles et artistiques à titre de loisirs. Dans les années 2000, j’ai habité à Cholet où j’ai été élève à l’École Municipale d’Arts Plastiques en cours du soir, j’ai fait un cursus dessin et peinture puis je me suis intéressée au modelage, à la terre et au volume. Le volume a été un déclic.
J’ai entendu parler en 2005 de ce qu’on pouvait faire avec du carton : notamment du mobilier, des objets en 3D et l’idée de pouvoir créer des objets en volume en réemployant un emballage, avec un simple cutter, m’a séduite.
J’ai pratiqué la technique en tant que loisir puis, petit à petit, je me suis professionnalisée et j’ai déclaré mon activité de fabricante d’objets en carton en avril 2013 (reconnue métier d’art), il y a donc bientôt 10 ans, tout en poursuivant d’abord une activité free-lance dans l’import-export (traduction et assistance administrative).
J’ai toujours été dans l’optique de partager ma vie professionnelle entre une activité plus manuelle et une autre plus intellectuelle. Aujourd’hui, c’est l’artisanat qui a pris le dessus mais l’une continue à nourrir l’autre. J’aime ce qui est technique, la réflexion sur un matériau, comment le travailler. Mais il n’y a pas d’école, il faut apprivoiser le matériau, je me suis donc essentiellement formée en autodidacte. Il m’est souvent arrivé de jeter des projets à la poubelle, puis de les récupérer le lendemain avec un autre regard et des solutions. J’ai beaucoup expérimenté.
C’est peut-être parce que j’étais déjà cheffe d’entreprise avant de me lancer dans l’artisanat que j’ai eu dès le départ une réflexion économique sur mon activité. J’ai réfléchi à des solutions pour optimiser mes étapes de fabrication. Par exemple, ne plus avoir à découper à la main la base ronde ou ovale d’un miroir, et en produire en petites séries de 3 pièces représentait déjà une évolution au niveau du ratio temps passé-efficacité. Pour cela, je me suis intéressée aux outils de découpe modernes. J’ai eu un déclic en discutant avec des collègues qui créent des œuvres monumentales, en partie découpées avec une découpeuse laser numérique. J’ai compris que l’on pouvait allier artisanat d’art et technologie numérique.
C’est comme ça que j’ai découvert le fablab de Chemillé, en 2017. Au début, je venais pour découvrir, pour apprendre, aux horaires tout public. Yvan et Adrien m’ont initiée à la découpe laser et à Inkscape (logiciel de conception 3D), mais j’ai aussi beaucoup appris toute seule, car c’est le propre du fablab, on apprend en faisant. J’ai tout doucement acquis les compétences nécessaires pour être autonome sur la laser. Là encore, je pense qu’on peut dire que je l’ai apprivoisée car il fallait quasiment à chaque fois revalider les paramétrages. Je venais avec mes idées pour les dessiner puis on basculait le dessin sur la découpeuse. Au début, c’étaient des formes simples puis, petit à petit, j’ai fait des formes plus complexes. J’avais les conseils des animateurs en cas de besoin. J’ai fini par réserver des demi-journées entières au Fablab pour mes projets. Je n’ai jamais utilisé de fichier du Fablab ou pris sur Internet car je dessine tous mes modèles moi-même.
Une fois la base d’un miroir découpée, il y a encore 90 % de main d’œuvre manuelle derrière, par exemple le façonnage de la façade, l’assemblage, les finitions, ça prend beaucoup de temps. Aujourd’hui la découpe laser est au service de ma créativité, elle me soulage dans des tâches répétitives mais sur la plupart des objets il y a une valeur ajoutée artisanale importante
Je suis aussi souvent venue découper un petit objet qui est un chat pot à crayons, que j’ai conçu pendant le confinement, période où la créativité a fusé chez moi de façon impressionnante. J’ai fait des maquettes papier, puis une maquette carton pour valider les encoches, les épaisseurs, la solidité et la répartition pour que ça ne bascule pas lorsqu’on met tous les crayons d’un côté. Puis il y a eu la numérisation du dessin et un prototype à la laser. À la découpe laser, il y a moins de peluchage qu’au cutter, la découpe est absolument nette : c’est la seule différence entre mon prototype main et celui de la laser. Et bien sûr le facteur temps pour en découper plusieurs d’affilée. Pour ce cas précis, après la découpe, il n’y a plus qu’à assembler les morceaux du chat pot à crayons. Mais c’est tout de même ma création de A à Z.
Même chose avec une petite maison-boîte que j’ai longtemps proposée lors de mes ateliers enfants. Je la pré-découpais prête à être montée (avec les morceaux en carton 7_mm à emboîter) et décorée. Les enfants adoraient faire ça et j’ai donc eu l’idée d’en créer un kit en petite série, dans un joli emballage, avec notice etc. J’ai découpé les pièces au FabLab et quand je la vends, je peux en raconter l’histoire. C’est important l’âme du créateur dans un objet.
Je suis artisane, avec une approche responsable, je n’utilise pas de produits agressifs, je fais des pièces uniques ou en petites séries, sous la marque Louis Carton. Louis Carton, c’est un clin d’œil au passé, lorsqu’on meublait ou décorait sa maison en style Louis Philippe, Louis XVI, mais avec un matériau contemporain. Quand vous achetez un objet Louis Carton, vous achetez une idée, un savoir-faire et un objet durable cohérent avec mes convictions. Avec la machine laser, j’élargis le champ des possibles, je peux proposer de nouvelles gammes d’objets, Louis Carton 2.0 !, toucher d’autres cibles-clientèle, proposer de la personnalisation d’objets, répondre à des demandes plus importantes. Mais je n’ai aucune ambition industrielle !
C’est une complémentarité, les machines ne remplacent pas les compétences traditionnelles d’un artisan d’art.
Aujourd’hui, je suis heureuse de t’annoncer que j’ai investi dans une découpeuse laser en novembre dernier ! Cela a été une longue démarche pour trouver un fournisseur. Je suis très curieuse et intéressée par le numérique et ce qu’il peut m’apporter en terme de créativité ou de diversification de mon travail, mais je ne me sens pas l’âme d’une ingénieure qui saura résoudre les problèmes que je vais rencontrer. Je me suis donc tournée vers une entreprise en France pour avoir des interlocuteurs en cas de besoin. J’ai opté pour une machine CO2 avec un tube en verre. Pas une petite découpeuse de table, non c’est une découpeuse de 100_W, elle fait 1_m_10 par 1_m_30.
J’ai transféré mon atelier dans le Lot fin 2022. Je tiens à remercier les animateurs du fablab car c’était vraiment un parcours, Yvan, Adrien et Julien, c’est avec eux que j’ai évolué. Il y a 10 ans, jamais je ne me serais imaginée aux manettes de ma propre découpeuse laser, avec plein de projets Louis Carton 2.0 !
contact@louis-carton.com
www.louis-carton.com
Portrait écrit par Diane ERDMANN, bénévole du bocal