Depuis septembre 2022, Bruno Méraut, formateur et médiateur numérique pour le Centre Social du Chemillois, intervient en tant qu’enseignant en culture numérique à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers. Il nous livre son témoignage sur cette expérience et sa vision du rapport entre médiation numérique et l’enseignement universitaire.
Tout d’abord, c’est quoi exactement la culture numérique ?
Il s’agit de l’ensemble des techniques, des pratiques, des modes de pensée et des valeurs qui se développent sur Internet. Bon, ce n’est pas de moi cette définition, elle vient de l’Encyclopédie Universalis, mais je l’aime bien.
Pour faire plus simple, Internet et le numérique, ce sont des outils, des logiciels, des techniques qui demandent à être maîtrisés, mais c’est aussi des langages, des règles, des codes spécifiques et par conséquent, une culture à part entière. Et comme le dit Michel Guillou, le numérique est devenu le contexte, il a dépassé le stade de l’outil pour devenir un fait social.
Pour les citoyens, et les étudiants, afin d’évoluer dans le monde actuel, il est donc nécessaire de posséder un bon niveau général de culture numérique : manipuler efficacement les outils informatiques, connaitre les règles d’un usage respectueux d’Internet, mais aussi avoir conscience des enjeux éthiques et écologiques du numérique.
Et en quoi consiste cet enseignement de culture numérique à l’université ?
A l’UCO (Université Catholique de l’Ouest), tous les étudiants en licence 1 doivent suivre cet enseignement. C’est une petite matière, qui ne compte que pour 2 crédits, mais qui leur est obligatoire.
Les étudiants suivent des modules d’auto-formation et l’enseignant les tutore, les accompagne dans leur progression, puis leur propose des travaux dirigés sur les thèmes de ces modules, en lien avec leur spécialité.
Les modules portent sur les thèmes centraux de la culture numérique pour les étudiants : la recherche et la veille documentaire, les droits et la protection du citoyen numérique, la protection documentaire, l’éthique, la protection de la santé et de l’environnement, le traitement des données, la programmation et les automatisations.
En complément de ces modules, ils doivent progresser sur les compétences Pix qui y sont associées. Pix est une plateforme d’état pour développer et certifier son niveau de culture numérique. Cette plateforme est déjà utilisée dans les collèges et lycées, mais avec une grande disparité d’appropriation, pour dire les choses poliment. En fin de lycée, les élèves passent en effet une certification Pix qui ne compte pas comme une évaluation scolaire. De plus, la certification porte sur les compétences que l’élève voit en s’entrainant au préalable. Donc si un élève ne passe pas de temps à se tester ou à s’exercer sur Pix, son niveau certifiable sera très bas. A l’UCO, la certification Pix compte pour un quart de la note de culture numérique du second semestre. Les étudiants sont donc très encouragés à passer du temps sur la plateforme.
Personnellement, j’ai en charge les étudiants en Licence 1 SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) et Mathématiques. Je dois proposer des travaux dirigés sur les modules accomplis par les étudiants et les rendre concrets pour eux. J’essaie de les rendre ludiques, d’y ajouter quelques touches d’humour pour les rendre plus attrayants pour eux. Par exemple, avant chaque TD, je leur envoie un message de rappel qui contient des memes personnalisés, histoire de rester dans la thématique de la culture d’Internet.
Quelle différence fais-tu entre la médiation numérique et l’enseignement de culture numérique ?
J’ai été assez surpris de constater de nombreux liens entre les deux. Dans la médiation numérique, notre objectif est d’accompagner l’autonomie des usagers, les aider à comprendre les mondes numériques qui évoluent autour d’eux et à en être acteur. Autrement dit, l’enseignement de culture numérique, c’est de la médiation numérique pour les étudiants !
Et ces étudiants, même s’ils disposent souvent d’un ordinateur flambant neuf et d’un smartphone, ne se montrent pas vraiment 1. au point dans les usages techniques et bureautiques 2. au fait des enjeux éthiques et environnementaux du numérique. J’ai pu le constater dés mon premier TD, pendant lequel je leur ai posé la question classique de la différence entre un navigateur et un moteur de recherche.
Mais grâce aux modules d’autoformation, aux exercices Pix et aux travaux dirigés, ils sont clairement montés en compétences durant cette année et ont acquis des bases qui leur seront nécessaires dans le reste de leurs études et leur vie professionnelle.
Surtout, j’ai eu avec les étudiants des échanges très intéressants sur les modèles économiques des réseaux sociaux, l’exploitation des données personnelles, la pollution numérique, … et beaucoup ont rendu des productions lors des travaux dirigés de très bonne qualité (un exemple ici).
Est-ce que tu continues à la rentrée prochaine ?
Oui, en septembre, je reprends avec les Licence 1 SVT et Mathématiques et j’accompagnerai également les étudiants en Licence 1 Théologie, ce qui sera encore une expérience différente. J’ai beaucoup aimé accompagner les étudiants et je suis assez impatient de recommencer.